Bonjour,

Après avoir participé aux différentes concertations, j’ai pris le temps d’écrire ces quelques mots.

Détail qui me semble important : j’ai 29 ans et je me sens donc concernée quand les porteurs de projets parlent « des jeunes ».

Tout d’abord, je tiens à revenir sur le déroulement des concertations. Quelle surprise pour une première fois…. Ou plutôt quelle claque anti-démocratique ! Je précise que je ne suis pas intervenue lors des questions/réponses.

C’était deux poids, deux mesures entre les personnes "pro-projet" et les personnes contre. Nombreux furent les rappels à l’ordre faits par les différents animateurs et le garant envers les opposants. Cela s’est traduit notamment par des interventions coupées, l’ordre de faire court, une prise de parole limitée par la distribution du micro en fonction du parti pris des intervenants, des remarques déplacées, etc.

Pour ma part, je fais le choix d’orienter cette contribution sur le volet environnemental tout en précisant que je partage les observations faites sur ce qui concerne les aspects historiques, socio-économiques, etc.

Nous en parlons de plus en plus, la civilisation se trouve à un embranchement.
Nous avons deux options :
- La route connue que nous empruntons depuis des décennies qui est faite d’habitudes et de certitudes, une route qui mène vers l’impasse (ce n’est pas moi qui l’invente) ;
- La route sinueuse nécessitant de renoncer à la maîtrise et à la puissance, une route qui nécessite d’être courageux et lucide mais qui est porteuse d’espoir.

Plusieurs études sérieuses le démontrent : l’être humain est responsable d’une extinction de masse.
Aussi, au vu des remarques et des attaques faites par les porteurs de projets lors de chaque réunion, je me pose la question suivante :
- Avez- vous pris le temps de lire ne serait-ce que les rapports du GIEC et notamment le GIEC Normand ?
Merci de répondre honnêtement à cette question tout en m’expliquant comment votre projet va dans le sens des conclusions faites par les différents experts.

Le constat est simple : Il est nécessaire de transformer radicalement nos modes de vie pour répondre aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Pour cela, nous devons changer de structure économique, sociale et culturelle.
Comment ? En envisageant de se déconstruire, en libérant notre façon de penser le monde car cette dernière ne fait que nous envoyer droit dans le mur (chose qui déjà faite en réalité, les conséquences arrivent petit à petit). Nous devons envisager une société égalitaire, une société juste, une société solidaire, une société sobre.

Pour stopper la dégradation du vivant, il faut trouver de nouveaux équilibres et stopper le rapport de force Culture/Nature ou, pire encore, Civilisé/Primitif.
Je ne cache mon étonnement (pour ne pas dire agacement) quand il a été question de « réserve d’indiens » à plusieurs reprises, et ce notamment, de la bouche d’élus. Peut-être devriez-vous faire un peu d’anthropologie et vous intéresser davantage aux peuples autochtones, aux indigènes. Vous vous rendriez compte alors de l’absurdité de ces propos. C’est justement vers cela que nous devrions tendre ! En quoi est-ce mal de vouloir être autosuffisant, de ne pas « se lover » (petite dédicace à l’architecte) dans la nature mais d’en faire partie intégrante, de viser l’autonomie, l’égalité ?
Nous sommes Nature avant d’être Culture.

Pouvez-vous me dire en quoi votre projet est rationnel ? Avez-vous fait le calcul entre les opportunités et les risques de votre projet ? (questions sérieuses auxquelles j’aimerais avoir des réponses complètes)

J’ai pris le temps de parcourir votre site, de lire les documents fournis par vos soins, de venir aux différentes réunions tout comme je prends également le temps de voir ce que disent les médias, les scientifiques et les experts. Je me demande alors où est passé votre sensibilité.

Je vois tout de suite dans quel tiroir vous allez me mettre : éco-anxiété, solastalgie, collapsologie.
Comme beaucoup d’autres personnes, je suis simplement lucide face à l’épreuve qui nous attend.

Les entreprises « écopaysagères » fleurissent ici et là. Sur le papier, je trouve cela formidable, en revanche, quand on creuse un peu, on se rend compte qu’il s’agit simplement de peindre une belle façade alors qu’il faudrait plutôt questionner les fondations de la structure.

Je conclue en disant qu’il faut être à la hauteur du défi de notre époque, pour nous et surtout pour les générations à venir. J’espère donc au nom du vivant que ce projet « Hommage aux Héros » ne verra pas le jour.
J’ai envie de croire que ma parole et celles des personnes qui ont pris le temps de vous écrire, de vous parler, comptent.
J’ai envie de croire que nos luttes comptent aussi.
Nous devons être fiers de ce que nous serons demain.
Bien à vous,

Lisa TOULORGE, une simple citoyenne.

*Des « concertations » « préalables » ?*

D’après les informations obtenues lors de cette 1ère concertation, le terrain de 32,5 hectares de terres agricoles acheté 2 millions d’euros par la Commune de Carentan-les-Marais ne pourrait accueillir qu’un projet industriel et le projet Hommage aux Héros (HAH) ne pourrait être accueilli ailleurs sur Carentan-les-Marais. Quid de l’actuel Plan Local d’Urbanisation (PLU) et de la concertation prévue prochainement à ce sujet ?

*Pourquoi une concertation sur le projet avant une concertation sur le PLU ?*

Ces 32,5 hectares de terres sont toujours à ce jour, selon le PLU Plan Local d’Urbanisation, définis comme agricoles.

Pour que le projet HAH puisse voir le jour avec une construction (ou tout autre projet éducatif/culturel/industriel), le PLU nécessite d’être changé en Préfecture pour devenir un terrain ayant un usage non agricole. La concertation à ce sujet aura lieu après la concertation concernant le projet « Hommage aux Héros » qui pourtant dépend directement de ce changement de PLU.

Je suis personnellement plus que favorable à ce que ce terrain reste à fonction agricole et accueille un agriculteur respectueux de pratiques agricoles durables. Les élus ont le pouvoir et le devoir de mesurer les projets qui leurs sont présentés et de penser à l’avenir de notre territoire, en préservant ses atouts. Il s’agit là aussi de leur responsabilité. Les enjeux actuels doivent être pris en compte.

La concertation publique prévue au sujet du Plan Local d’Urbanisation de Saint-Hilaire-Petitville (10 octobre 2022-7 novembre 2022), prévoit deux réunions publiques :
- le jeudi 13 octobre 2022 à 18h30 au théâtre de Carentan
- le jeudi 27 octobre 2022 à 18h30 à la salle des fêtes de Saint-Hilaire-Petitville).

S’il m’en est donné l’occasion, j’y proposerai des pistes d’alternatives au projet HAH.

*Améliorations possibles pour le projet HAH*

Si le PLU était modifié pour servir au projet d’élargissement de la zone industrielle de St-Hilaire-Petitville, et que seul le projet HAH était retenu pour occuper ce terrain, ne serait-il pas encore envisageable a minima de réduire la taille de la salle mobile (actuellement de 2.000 m2) ou de réduire le nombre de spectateurs accueillis simultanément (actuellement 1000 spectateurs/heure embarqués dans l’expérience) ? Rien que de proposer le même projet avec une salle moins grande et moins de spectateurs serait un début.

Plus moderne encore, moins coûteux, et moins dégradant pour le site, le remplacement de cette salle mobile par une reconstitution historique par hologrammes dans les champs permettrait d’ailleurs un aménagement réversible, préservant aussi les lieux hors saison touristique. Si cette reconstitution était celle des hôpitaux de guerre tels qu’il y en avait à Saint-Hilaire-Petitville pendant la 2nde Guerre Mondiale (ou si cela était mentionné dans le film/sur le site touristique), le projet serait plus logiquement complémentaire aux musées existants de ce territoire spécifique. Le contenu pourrait être élaboré avec le même sérieux annoncé tout en étant à la pointe de la technologie actuelle. Le son pourrait être diffusé dans des audio-casques ou via une application mobile.

*Absence à ce jour d’accès public aux résultats des études*

J’attendais avec intérêt d’avoir accès aux résultats des différentes études menées autour de ce projet, qui devaient être disponibles au public avant la fin de l’été selon la réunion du 16/08/22. Nous avons heureusement eu quelques informations à la réunion du 06/10/22. Même si la publication de ces résultats n’est pas obligatoire, cela aurait permis aux personnes intéressées de peser le pour et le contre et de participer à la proposition d’aménagements au projet.

*Impact sur le trafic routier et accessibilité*

A ma connaissance, il n’a pas été prévu de transports en commun supplémentaires ou spécifiques. Je suppose que les touristes quittant Cherbourg dans des grands bus pour Ste-Mère-Eglise et le Mont St Michel, feront halte aussi à Carentan pour l’occasion. 20 bus de 50 personnes par heure (120 bus de 50 personnes par jour), ou plus de 200 véhicules privés 5 places par heure (soit plus de 1.200 voitures par jour). Il y aura certainement aussi des navettes, peut-être privées, qui s’organiseront pour que les touristes venant à Carentan par le train puissent accéder à HAH.

Il n’y a pas actuellement pas de piste cyclable ou piétonne pour accéder au site prévu. Pourra-t-on s’y rendre à vélo en toute sécurité ? Si oui, y aura-t-il un parc à vélo sur place ? Il me semble que l’augmentation importante de cyclotouristes et de randonneurs dans la région le justifie. Bien qu’ils fuient généralement les zones les plus fréquentées, ils réclament généralement un accès plus sûr à La Maison du Parc voire au D-Day Expérience de St Côme. Je suppose qu’il en sera de même ici.

*Impact sur la biodiversité*

Concernant la biodiversité, j’aurais espéré que l’on prenne en compte, en plus des espèces végétales (arbres, haires et flore, dont orchidées sauvages protégées dont il n’est plus la saison ?) et animales (faune, dont oiseaux migrateurs ?), la diversité des champignons. En effet, celle-ci témoigne de la richesse/qualité du sol. Il serait donc bon de faire intervenir un mycologue expérimenté pour recenser cela.

*Consommation énergétique*

Avec un amphithéâtre mobile de 2.000 m2 pesant 3.500 tonnes avec ses 1.000 spectateurs embarqués, juste la plateforme mobile consommerait « 2,5 GW.h/an » d’après les résultats du bilan de consommation énergétique diffusés le 06/10/22, « soit la consommation énergétique d’un centre commercial de 10.000m2 ».
La consommation d’énergie d’une telle structure est résolument indécente, d’autant plus en ces temps de crise énergétique et environnementale et au moment de la mise en place du Plan de Sobriété Energétique du Gouvernement français.

*Un projet inutilement démesuré*

Carentan-les-Marais bénéficie déjà d’une forte attractivité. Un cadre préservé et un climat plus favorable qu’ailleurs, attirent beaucoup de citadins en mal de nature, d’espace, et d’air frais. D’autant plus après les périodes de confinements des années passées.

Ce projet, démesuré par rapport aux infrastructures existantes, est une promesse de tourisme de masse en tablant déjà sur 3 fois plus de visiteurs à l’année que le Airborne Museum de Sainte-Mère-Eglise, sans solution d’hébergement associée.

Entre le Victory Museum situé en face, l’Escape Game Le Blockhaus dans le Centre de Carentan et le D-Day Experience de St-Côme, Carentan-les-Marais compte déjà plusieurs structures expériencielles et immersives liées à des faits historiques du débarquement de Normandie pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ces structures sont privées mais de taille plus modeste. Elles n’ont pas nécessité de telles levées de fonds d’investissements avec l’implication d’actionnaires qui rendraient à terme les porteurs de projets minoritaires dans les décisions. Et les visiteurs ont rarement le temps et le budget pour expérimenter les trois lors de leur séjour.

Si la transmission des savoirs liés à la 2nde GM reste la priorité, avec des acteurs et des écrans et des décors scéniques qui défilent, un cinéma/théâtre de 200 places serait amplement suffisant (taille de l’actuel théâtre de Carentan), avec une salle fermée et insonorisée.

*Conclusion*

Ainsi, je m’oppose catégoriquement au projet nommé « Hommage aux Héros » tel que présenté et je demande a minima son report afin que des alternatives à ce projet (éventuellement dans la même lignée mais pas dans les mêmes proportions) puissent être proposées et étudiées, qui soient plus cohérentes et plus porteuses de consensus.

Malgré l’annonce de création d’emplois (en faisant abstraction du manque criant de main d’œuvre entre autres dans la construction, la maintenance, le tourisme, l’hôtellerie, la restauration et l’événementiel suite à la Covid) et de retombées économiques pour les collectivités (en faisant abstraction des coûts d’entretien et de réparation des infrastructures publiques usées et du remboursement de l’investissement pour l’acquisition du terrain), il me semble que ce projet tel quel et son tourisme de masse associé apporteront in fine bien plus d’inconvénients que d’avantages aux habitants.

Cordialement,

Elise Ryst, habitante de Saint-Hilaire-Petitville